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LE CIEL ET L'ENFER FRANCE
LIBRE 1940-1945
Auteur : Colonel Jacques
ANDRIEUX
Editeur : PRESSES DE LA CITE
Année : 1965
Sujet : Histoire
Présentation : Ce livre relate une belle
et grande aventure.
L'évasion hasardeuse sur un voilier
breton vers les derniers rivages où l'on pouvait se battre
pour la liberté...
Les découvertes et l'apprentissage
que fait un pilote français, transplanté soudain
en terre britannique, dans l'aviation anglaise, des appareils,
des camarades, des chefs, des bases... Les combats incessants
qu'il livre dans les escadrons de la R.A.F., les risques terribles
et les victoires nombreuses, éclatantes, que lui valent
son savoir, son adresse et sa chance... Combats où, seul,
un fil aussi ténu que les fils de la Vierge, sépare
la vie de l'anéantissement... où la rapidité
prodigieuse des mouvements, les voix au microphone, une tactique
disciplinée, l'instinct de la chasse et, souvent, la peur,
forment, en une seconde, un seul réflexe... Jeux de la
bonne étoile -.retours sur un avion démantelé
-et jeux des plaisirs élémentaires qui effacent
les soucis, la pensée du matin suivant, alors qu'une place
occupée joyeusement pour le repas de midi à la
table fraternelle, s'est trouvée vide le soir. Car «
Demain est un autre jour > .
Oui, on trouve tout cela dans le livre du
Colonel Andrieux, et bien d'autres éléments
précieux qui s'intègrent à l'histoire d'un
homme, et à l'Histoire tout court.
Mais plus émouvant encore, et à
mon sens plus admirable que la trame pourtant si riche de ce
récit, est l'essence de jeunesse qui émane de chaque
page. Je ne crois pas qu'elle les imprègne
par la volonté de l'auteur. Il conte simplement, rapidement.
Aucun détour ni recherche. L'écriture est vive,
dure, drue. C'est pourquoi, sans doute, l'âge, les sentiments,
les réflexes, les songes qu'il avait à l'époque
où ses souvenirs se situent, ne cessent de courir comme
un filigrane éclatant et tendre entre les lignes qui en
font foi vingt-cinq ans plus tard.
Il est bien envoûtant le souffle qu'exhale,
à travers un quart de siècle, ce printemps d'une
vie intrépide. Une sorte d'hallucination m'en a fait mesurer
le pouvoir.
Je lisais un chapitre où le Colonel
Andrieux raconte la joie, le bonheur de ses muscles, de ses nerfs
et de son esprit, lorsqu'il prenait son breakfast avant de partir
en patrouille au lever du jour .
Et tout à coup, je me suis trouvé
à la fois sur un terrain d'Angleterre en 1942, et un autre,
de Champagne, celui-là, et en 1917. Et j'étais
en même temps le pilote de chasse du 91e Escadron et l'aspirant
observateur de la S.39.
Une aube d'été... Au-dessus de
l'horizon, le soleil n'est encore qu'une frange de feu. Sous
ses premiers rayons, la plaine et les collines rémoises
sortent lentement de l'ombre... Pas un nuage... Jour parfait
pour le vol et la guerre. Un champ d'aviation tapissé
d'herbe... Les hommes dorment encore dans leurs baraquements,
les machines reposent sous les hangars.
Sauf un avion, son mécanicien et un
équipage désigné pour la première
mission de la journée, la mission de l'aurore.
Le biplace vibre et gronde. Le mécano
essaie son moteur. Le sous-lieutenant pilote et l'aspirant observateur
déjeunent en hâte de saucisson et de vin blanc.
Les fenêtres sont grand ouvertes. Dans
la pièce grise entrent toutes les fraîcheurs et
tous les baumes de l'aube. Le bruit du moteur a la cadence majestueuse
et magique de l'orgue et du tonnerre. Quelques instants encore
et il va emporter l'équipage dans les nuées au
creux des carlingues sans autre toit que le ciel, sur les lignes
interdites à tous, hormis les guerriers ailés,
dans la gloire du matin et l'orgueil du défi.
Et les deux jeunes hommes se sentent les rois
audacieux de la vie, et il leur semble que le saucisson et le
vin en sont la substance et l'ambroisie merveilleuses.
* * *
1917 ou 1942... Mitrailleuses légères
ou canons terrifiants... 160 kilomètres à l'heure
ou 600... Oeufs au bacon et thé noir ou vin blanc et saucisson...
Observation ou chasse... Peu importe. Je sais que le sous-lieutenant
Andrieux devant son breakfast, prêt à sauter dans
son Spitfire, et l'aspirant que j'étais, et qui prenait
son petit déjeuner avant de rejoindre la carlingue d'un
Salmson, ont entendu au plus profond de leur être, un même
chant à nul autre pareil : celui du matin, du risque et
de la jeunesse.
Je croyais l'avoir oublié, après tant
et tant d'années. Il a surgi dans ma mémoire. J'en
remercie le Colonel Andrieux. Le colonel, ou le sous-lieutenant
? Je ne sais plus très bien.
JOSEPH
KESSEL.
Appréciation : **** |