Photo P. Dennez

 
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Texte : L'HISTOIRE DE L'HELICOPTERE
racontée par ses pionniers 1907-1956
Jean BOULET
éditions france-empire

SE 3101
Premier vol : 15 juin 1948
Pilote d'essai : Jean BOULET
Le Professeur FOCKE et son équipe ont quitté la SNCASE au milieu de l'année 1947, mais deux prototypes étaient en cours de fabrication d'après ses dessins et furent poursuivis par l'ingénieur RENOUX : le SE 3101 et le SE 3000. Chargé des essais de ces appareils, Jean BOULET raconte ses souvenirs :

« Le SE 3101 était un petit appareil monoplace, avec un seul rotor principal. Il avait la particularité de comporter deux petits rotors de queue, aux extrémités d'un empennage en V. En combinant les variations de pas de ces deux petits rotors, on pouvait faire varier soit la composante latérale de leur poussée, ce qui commandait les mouvements de lacet, soit leur composante verticale, ce qui commandait les mouvements de tangage du fuselage. Seul le roulis était obtenu par le système classique de variation cyclique du pas, qui permet d'incliner le plan du rotor par rapport au mât.

Or, nous avions récupéré les éléments d'un hélicoptère Focke 61. Cet appareil, qui avait deux rotors latéraux, était équipé de moyeux comportant un mécanisme de variation cyclique dans le sens longitudinal seulement: la commande de roulis était obtenue par une variation différentielle du pas des deux rotors, augmentant la portance de l'un et diminuant la portance de l'autre.
Le SE 3101 pesait sensiblement la moitié du F61 (535 kg contre 950 ), et l'on avait donc pu utiliser un des deux ensembles, moyeux et pales, du F61, tourné de 90°, pour que la variation cyclique longitudinale devienne une variation cyclique latérale. Il se trouva que l'on prit celui des deux rotors qui, vu du pilote, tournait de la gauche vers la droite, parce que son adaptation était plus simple, compte-tenu du sens de rotation du moteur. Nous avons gardé cette habitude depuis : voilà pourquoi les rotors des appareils de l'Aérospatiale tournent en sens inverse des rotors américains!
Avec un moteur Mathis de 90 CV, le SE 3101 avait une charge au cheval de 6 kg, la même que le F61 dont le moteur développait 160 CV. Mais le SE 3101 a eu néanmoins beaucoup de mal à décoller, car une proportion importante de la puissance était gaspillée dans les rotors arrière. Quand, en juin 1948, après des mois d'essais, appareil attaché, on a largué les amarres, STAKENBURG, le pilote d'essais désigné, a mis pleins gaz et. . . est resté rigoureusement rivé au sol.
J'ai essayé à mon tour (j'avais été breveté six mois auparavant) ; j'étais jeune et mince et, grâce à la différence de poids entre STAKENBURG et moi ( 15 kg), j'ai pu faire un vol stationnaire à 30 centimètres du sol. Ce fut le début de ma carrière de pilote d'essais.
Le dimanche suivant, 3 juillet, j'ai été tiré du lit de bon matin par un chauffeur, venant rn'avertir que le Directeur technique rn'attendait sur le terrain de Villacoublay : il trouvait que l' appareil avait du retard, et voulait que je commence sans plus attendre les essais de vol en translation.
Lorsque je suis arrivé à Villacoublay, l'appareil était fin prêt; le Directeur technique et l'ingénieur en chef
MARCHETTI m'attendaient. J'ai mis en route, réchauffé le moteur, décollé, avec l'intention de faire une série d'accélérations-arrêts. Mais j'avais à peine atteint 40 km/ h que l' appareil a brusquement cabré vers le ciel : manche en butée avant, je ne pus rien faire d'autre que de maintenir le cap de l'appareil qui repartait de plus en plus vite vers l'arrière en perdant de l'altitude. A l'approche du sol, par chance, l'appareil commença enfin à répondre à la commande longitudinale, ce qui évita à la queue de percuter le sol et j'atterris avec une vitesse arrière de l'ordre de 20 km/h, mais sans dégâts.
J'avais été victime de l'interférence du souffle du rotor principal sur les rotors arrière : lorsque ceux-ci passaient dans le souffle du rotor principal, il en résultait une diminution de leur portance, nécessitant une ample variation des incidences de pales arrière. En revanche, après le cabré, la marche arrière avait fait ressortir les rotors de queue du souffle, d'où la récupération, in extremis, de la portance.
En augmentant la sensibilité de commande, et en décalant le manche pour l'amener près de sa butée arrière en vol stationnaire, on put poursuivre l'expérimentation, mais il restait le défaut d'un déplacement de manche considérable au moment de la transition. En fait, il n'était pratiquement pas possible de faire varier le centrage .
En septembre 1948 , je fis pour la première fois une démonstration publique, sur le terrain de Villacoublay. Mais dans les mois qui suivirent, les essais n'avancèrent que très lentement. Les incidents mécaniques se multipliaient : félures du carter moteur, criques sur les rotules des bielles de commandes, etc. Heureusement, nous avions un contrôleur de piste auquel rien n'échappait . Car, inutile de le dire, personne n'avait aucune idée des contraintes qu'il y avait dans les pales ou dans les commandes.
En mai 1949 avait lieu le Salon de l'Aéronautique. Nous devions y présenter le SE 3101, mais le Service Technique avait exigé de faire au préalable la démonstration d'un atterrissage autorotation.
L'appareil ne fut prêt, pour les tentatives d'autorotation, que tard dans la soirée du 28 avril, la veille de l'ouverture du Salon et je n'eus le temps de faire qu'une approche préliminaire. Ce ne fut pas sans appréhension que j'entamais, à la nuit tombante, la seconde approche au cours de laquelle je devais débrayer et couper le moteur. Je lâchais donc la commande de pas pour atteindre le levier de débrayage (nous n'avions pas la commodité de l'embrayage centrifuge), mais alors le pas général remonta de lui-même : je me précipitai pour reprendre la commande et regagner mes tours, mais ce fut au prix d'un accroissement des taux de chute, et déjà j'arrivais au sol. Je n'eus que le temps de couper le contact avant l'impact et ne pus éviter un atterrissage brutal qui cassa le support de la roue droite (il n'y avait pas d'amortisseurs). L'appareil glissa sur la piste en béton, au milieu d'une gerbe d'étincelles qui illumina le crépuscule, et au moment où l'appareil allait s'immobiliser, le support de la roue, usé par le frottement, céda à son tour et l'appareil se coucha sur le côté pendant que pales principales et arrière volaient en éclats.
J'étais atterré d'avoir cassé la machine que l'on m'avait confiée. Mais grâce à un travail acharné de la remarquable équipe de notre atelier prototype, l'appareil fut remis en état en deux semaines et j'eus la joie de la présenter lors de la démonstration aérienne de ce salon, le 14 mai.
Je volai encore un peu après cette démonstration, mais bientôt le carter du dernier moteur cassa à son tour, ce qui mit fin aux essais .
Entre le 13 juin 1948 et le 5 janvier 1950, l'appareil avait totalisé 20 heures de vol.
C'était l'époque de la longue patience.
Cette formule des rotors arrière en V pour commander à la fois le longitudinal et le latéral présente plusieurs inconvénients dont les 2 premiers, comme je l'ai dit, ont été mis en évidence :
- gaspillage de puissance,
- interférence du souffle du rotor principal sur la portance arrière.
Mais il y a un autre inconvénient sérieux à cette configuration: en cas de rupture ou désaccouplement de la transmission arrière, le pilote perd non seulement la commande de lacet mais aussi la commande longitudinale avec des conséquences probablement fatales.

CARACTERISTIQUES
Type. hélicoptère expérimental
Moteur: 1 Mathis de 100 cv
Performances. vitesse maximale 120 km/h ; plafond , 3 000 m , distance franchissable, 100 km.
Masse : à vide, 400 kg ; total, 520 kg
Dimensions. diamétre du rotor, 7,50 m ; longueur, 6,90 m; hauteur,2,25 m ;

 

 



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Dernière mise à jour le 4 mars 2001