HELENE BOUCHER pilote de france
Auteur : René CHAMBE
Editeur : EDITIONS BAUDINIERE
Année :
1937
Sujet :
Historique

Présentation :  C'est là, dans le tumulte de Paris, à quelques pas de cette maison qui fut la sienne, que j'ai tenu à écrire les premiers mots de ce livre.
  Poussé par la force du souvenir, je suis venu des profondeurs de la ville m'asseoir à la terrasse de ce café. Que de fois elle en a franchi le seuil ! Oui, c'était là qu'elle aimait à retrouver ses amis les pilotes au temps joyeux de l'avenir et des projets, au temps maintenant révolu sans retour de la jeunesse et de la vie. Là, dans les lumières...
   Mon crayon délaissé, tombé sur mes papiers, je médite, lourdement seul, et je regarde l'obscure façade se découper sur les étoiles.
   Ainsi, c'est là qu'elle a vécu ? C'est là, dans cette rue, dans l'estuaire de ces hautes murailles que tient tout entière sa courte vie ? Place de Rennes, gare Montparnasse, l'un des cent carrefours du monde où, nuit et jour, le flot humain ne cesse de battre comme une fièvre.    
  
Il est onze heures du soir, c'est le plein été, la chaleur est encore étouffante. Devant moi, la foule passe et repasse avec son lent mouvement de va-et-vient. Elle coule avec son piétinement obstiné, son bourdonnement confus, son murmure de sac et de ressac aussi éternel que celui de la mer. Houle sombre surmontée de sa frange de visages, semblable à l'écume des vagues. Ils sont tous pareils, ces visages, tous peints de la même uniforme couleur blanchâtre sous la clarté crue des réverbères. Ils se renouvellent sans trêve, sans arrêt. Ils naissent et meurent en quelques mètres, - quelques mètres, toute la distance qui sépare la lumière de l'ombre, la vie de la mort, la gloire de l'oubli. Oui, c'est la vie, elle- même, qui coule ainsi entre les rives de ces trottoirs, avec sa grande force inexorable que rien ne saurait ni endiguer ni ralentir.
  Combien en est-il passé ainsi de ces visages, depuis que les hommes ont construit cette rue ? Combien qui, tour à tour, ont été baignés dans la lueur de ce café avant de se dissoudre dans les ténèbres ? Combien en passera-t-il encore dans l'avenir ? Qu'importe ! Le sien ne passera pas ici, ce soir, ne passera plus jamais...
   Comment la vie peut-el1e à ce point continuer ? Comment ces gens retrouvent-ils en eux le détachement nécessaire pour sourire à nouveau ? Il avait semblé cependant, par ce funèbre crépuscule de novembre, qu'une ombre venait de s'étendre brusquement sur le monde. Hélène Boucher partie, c'était un peu de lumière qui s'en allait, c'était un rayon de pure clarté française qui s'éteignait.
   Trois hivers ont passé depuis ce sombre jour, trois hivers et bientôt trois étés. Non, il n'est pas de deuil éternel et la ride du vent est plus profonde à la surface du lac que la douleur au coeur des hommes. Mais pas le souvenir... Le souvenir demeure.
   Il est dans le ciel des sillages glorieux que rien jamais ne saurait effacer. Il est aussi des étoiles dont l'altitude est si haute au-dessus de la terre, que leur lumière, bien qu'elle soit morte depuis des milliers d'années, continue de briller et de venir jusqu'à nous. Leur éclat de diamant, par les froides nuits d'hiver, soutient le pas du voyageur.
   Hélène Boucher est l'une de ces étoiles. A l'heure de l'effort ou du péril, sa clarté, bien longtemps, soutiendra l'âme des pilotes de France.             ..

Appréciation : ****

 

 



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Dernière mise à jour le 17 septembre 2000