|
PILOTES D'ESSAI
Auteur : Christiane FOURNIER
Editeur : ANDRE MARTEL
Année : 1954
Sujet : Mémorial
Présentation : Quels sont les journalistes qui
prétendent que notre métier mène à
tout à la condition d'en sortir ? Pour moi, il mène
à tout, c'est plus simple, J'ai quitté l'Université
et la philosophie sous toutes ses formes, telle qu'on l'enseigne
à Paris et aux Etats-Unis, pour entrer , sans esprit dogmatique,
dans les chemins de la vie. Des chemins que l'on croit chaque
fois tout neufs et qui aboutissent à une enquête
passionnée.
J'ai beaucoup aimé les Gens du Voyage, Je
me souviens d'une route de l'Est - une route de l'après-guerre
- et d'un long trajet que je fis, installée entre un nain
et deux petits ânes maigres, sortis d'un poème de
Francis Jammes. Une autre fois, dans la cage aux fauves, pas
plus fière que ça, pendant que mes amis, les photographes
Seeberger - se souviennent-ils ? - de l'autre côté
des barreaux, mettaient minutieusement au point une photo qui
devait faire carrière. Attachée à la «
mécanique » j'ai essayé de la haute voltige
sur l'arrière d'un grand cheval blanc, dénommé
Sultan. J'ai connu les voyantes, les fakirs - mais les coureurs
de risque surtout, et cela dans tous les coins du monde, de l'Europe
à l'Extrême-Asie. Ces reportages m'ont fait vivre
dix romans dans ma vie.
En 46, déguisée en correspondant de guerre par
les soins du Shaef, j'eus le privilège de naviguer sur
des forteresses volantes devenues très pacifiques, et
d'être équipée d'un mae-west et d'un parachute
au-dessus de l'Adriatique. Le pilote (qui était beau comme
un dieu, naturellement) passait les meilleurs moments de sa vie.
J'ai su de ce moment-là que j'écrirais un jour
un grand reportage sur les pilotes.
Cédant un jour aux exigences de la conscience
professionnelle d'un de mes directeurs de journaux, j'ai mené
en entrant (un peu) dans le jeu, un reportage sur les agences
matrimoniales. J'ai tendu la sébile au coin de la rue
du Havre et du boulevard Haussmann pour un petit chanteur aveugle
qui avait - dirait-on pour son bonheur ? - exactement la voix
de Tino Rossi... en admettant que cela lui tombe sous les yeux
! Car, pour tout dire, il n'était pas tout à fait
aveugle. Nous avons fait recette.
J'ai réussi à entrer à
la Petite Roquette, ce qui est à la portée de tout
le monde, mais aussi - plus difficile - à en sortir.
J'avais, sans arrière-pensée,
connu les travaux du docteur Ginestet, à l'hopital Foch
: celui qui ramène les blessés d'Indochine et d'ailleurs
dans la demeure des hommes vivants. Je ne savais pas que je le
rencontrerais encore à un autre carrefour de mes enquêtes,
bien malgré lui.
Je ne savais pas que mon livre sur les pilotes
dont je rêvais depuis longtemps, porterait le titre de
Pilotes
d'Essai
Appréciation : **** |