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L'INDUSTRIE AERONAUTIQUE
ET SPATIALE FRANCAISE 1907-1982
TOME 3 1947-1982 PROGRAMMES ET MATERIELS
Auteur : Collectif
Editeur : GIFAS
Année : 1984
Sujet : Histoire
Présentation : Il y a deux cents ans, pour la première fois
des hommes pouvaient s'élever dans l'air: le 21 novembre
1783, PILATRE de ROZIER et le Marquis d ' ARLANDES survolèrent
Paris en montgolfière , tandis que CHARLES et ROBERT réalisaient
leur premier voyage avec un ballon gonflé à 1 'hydrogène
en reliant Paris à Nesles (près de l'Isle-Adam),
le I er décembre de la même année. Il faudra
un peu plus d'un siècle pour que sur un appareil plus
lourd que l' air , Clément ADER réussisse le premier
décollage du monde, le 9 octobre 1890, dans le parc du
chateau d ' Armainvillers. Quelques années plus tard,
à la suite des premiers vols répétés
effectués par les frères WRIGHT en décembre
1903 à Kitty Hawks et surtout, le 20 septembre 1904, le
premier circuit fermé de plus de un kilomètre,
consacrant leur maîtrise du vol, il ne se passera plus
d'années, ni de mois, ni de jours, sans que des hommes
puissent réaliser ce vieux rêve : voler.
Si ces exploits sont rappelés ici, ce
n'est pas seulement à cause de leur intérêt
historique, mais parce qu'à leur suite vont s'établir
des processus qui influenceront grandement le développement
de l' aviation.
Sur le plan des relations avec l'Etat, dès
le début de l'aérostation, les Armées ont
compris l'intérêt de cette découverte. Des
ballons captifs ont été utilisés pour la
surveillance du champ de bataille lors du siège de Maubeuge
(2 juin 1794) et à Fleurus (26 juin 1794). Durant la guerre
de 1870, des ballons serviront aux transports de personnes et
de courrier pendant le siège de Paris. Le rôle de
l'aviation durant la première guerre mondiale a été
décisif dès la bataille de la Marne, et il est
inutile d'insister sur celui qu'il a joué durant la Seconde
Guerre mondiale et dans les conflits ultérieurs.
Mais les Armées comprennent aussi qu'il serait
vain d'espérer que "des iventeurs, même fortunés
ou soutenus par de généreux mécènes,
puissent réaliser les matériels qui leur seront
le plus utile sans l' aide d ' organismes étatiques spécialisés.
Aussi, en 1874, est constituée une Commission des aérostats
militaires. Pour qu'elle puisse jouer pleinement son rôle,
est créé, en 1877, l'Etablissement de Chalais-Meudon
où sera affecté le capitaine Charles RENARD qui,
devenu colonel, va jouer un rôle capital au moment de la
naissance de l' aviation. Cet Etablissement développera
considérablement des moyens d'essais de moteurs et d'hélices
qui y resteront jusqu'au début des années cinquante,
et des moyens d'essais d'équipements; c'est sur son emprise
que sera installée, en 1935, une grande soufflerie exploitée
par l'ONERA jusqu'en 1980. Dès le début des essais
d'avions, l'Etablissement installera une annexe à Villacoublay
qui sera un des hauts lieux de l' aéronautique entre les
deux guerres. Cet Etablissement de Chalais-Meudon doit être
considéré comme le premier de toute une série
de centres d ' essais d 'Etat qui vont jouer, et continuent de
jouer , un rôle capital dans l'aéronautique. Il
est tout à fait remarquable que, dès l'origine,
l'Etablissement de Chalais-Meudon s'intéresse aussi bien
aux applications militaires qu'aux applications civiles des ballons
et des dirigeables. Aujourd'hui encore, tous les établissements
d'essais ont gardé cette particularité. Dès
ses débuts, la tutelle technique de l'aéronautique
civile ou militaire est donc exercée par les Armées
et il en est toujours ainsi,
Très vite, les Armées comprirent aussi
qu'il ne suffisait pas d ' aider techniquement et de contrôler
les résultats des constructeurs, mais qu'il fallait passer
avec eux des contrats pour développer des matériels
en fixant des objectifs à atteindre.
Un peu plus d'un an après sa première
« expérience » , ADER signe, le 3 février
1892, une convention avec le ministre de la Guerre, M. FREYCINET,
par laquelle il s'engageait à construire « un avion
capable de porter, outre son conducteur et le combustible, une
autre personne ou des explosifs » . Le rôle des Armées
dans le financement de la recherche en aéronautique par
un moyen contractuel est alors défini et il en sera ainsi
jusqu'à nos jours.
Si, comme on vient de le voir , ce sont les
mêmes services et les mêmes établissements
qui s'occupent des matériels civils et militaires, appartient-il
aux Armées de supporter aussi le coût du développement
des matériels civils ? La réponse sur ce point
a varié, mais on peut noter qu'en France en 1919, les
premiers avions de transport civil étaient des bombardiers
transformés, qui, comme beaucoup plus récemment
aux USA les BOEING 707, sont directement dérivés
d'avions militaires. Dans l'étude du réacteur civil
CFM 56, GENERAL ELECTRIC a apporté un ensemble haute pression
développé initialement dans le cadre d'un programme
militaire; les hélicoptères, les satellites d'observation
de la terre, de télécommunications, de navigation
ou de météorologie fournissent un très grand
nombre d'exemples de cette étroite parenté. Certes,
pour des raisons évidentes, les Armées souhaitent
ne pas avoir à financer de matériels civils; pour
le respect des accords internationaux commerciaux, il convient
également de séparer civil et militaire, mais l'
expénence acquise dans un domaine sert dans un autre et
il est indispensable que les mêmes constructeurs s'occupent
des deux.
Depuis une vingtaine d'années, en France,
l'Etat a compris que son rôle ne devait pas se limiter
aux actions précédentes, mais aussi contribuer
à promouvoir la vente des matériels aériens.
Si la justification première de l' aéronautique
est la défense nationale, il n'en demeure pas moins que
cette industrie sera d'autant plus efficace qu'elle aura une
expérience plus vaste et une puissance plus importante.
Comme le marché intérieur ne peut suffire à
la porter dans un pays de la taille de la France, il faut donc
qu' elle soit largement ouverte sur l'extérieur. Une des
caractéristiques de l'aéronautique aujourd'hui
réside donc dans les efforts faits pour exporter ou pour
collaborer avec l'étranger. Le chiffre d ' affaires correspondant
est devenu supérieur au chiffre d ' affaires réalisé
sur le marché intérieur . Il est même des
secteurs comme celui des hélicoptères où
cette dépendance des ventes à l'étranger
peut être préoccupante.
Sur le plan strictement technique, l'histoire
de l'aéronautique éclaire aussi les processus à
l'origine de ses spectaculaires progrès. Les ballons,
puis les dirigeables, ont permis le développement de nombreux
dispositifs ou équipements qui trouvent leur application
sur les avions. Jacques GARNERIN invente le parachute et effectue
son premier saut le 22 octobre 1797. L'hélice et les empennages
apparaissent et se mettent au point entre 1840 et 1850. Félix
TOURNACHON, plus connu sous le nom de NADAR, en montrant les
possibilités de la photo aérienne, a ouvert la
voie à la reconnaissance aérienne, qui se prolonge
aujourd'hui par l'observation de la terre par satellite. Otto
LILIENTHAL fait en 1891 voler des planeurs monoplans qui
ressemblent à certaines de nos ailes volantes d'aujourd'hui.
En 1896, il fait voler des planeurs biplans dont la silhouette
évoque celle des premiers avions. Dans les dix dernières
années du XIXème siècle, se développe
le moteur à pistons pour les besoins de l'automobile.
Il est tout à fait remarquable que beaucoup des pionniers
de l'aviation proviennent de cette branche industrielle ou de
celle du cycle, et qu'avant de fonder la Chambre syndicale de
l'industrie aéronautique, ses créateurs se réunissaient
à l'Automobile club de France.
Tandis qu'ADER apparaît comme le dernier
des précurseurs devant tout inventer, ses successeurs
du début du siècle ont pu et su tirer parti de
toutes les inventions faites jusque là, concentrer leurs
efforts sur ce qui était propre à l'aéronautique
en réalisant les meilleures adaptations possibles et en
faisant progresser chacun des constituants de leurs appareils.
Ainsi, très vite, apparaissent des branches spécialisées,
cellules, moteurs, équipements, les fabricants de cellules
jouant le rôle de maître d'oeuvre. Cette structure
n'a pas changé aujourd'hui.
Mais alors que jusque vers le milieu de la
seconde guerre mondiale les avions, quels que soient leurs progrès,
utilisaient toujours pour se propulser des moteurs à pistons
et des hélices, apparaissent de nouvelles générations
de propulseurs: les statoréacteurs et surtout les turbomachines.
Celles-ci vont très vite progresser et se diversifier
en turboréacteur avec et sans post-combustion, avec un
ou deux flux d'air, en turbopropulseur, en turbomoteur avec ou
sans turbine libre. Ce sont les progrès sur la propulsion
joints à ceux réalisés en aérodynamique,
qui ont permis tout à la fois de réaliser des avions
volant à plusieurs fois la vitesse du son, mais aussi,
vers la même époque, d'assurer le développement
des hélicoptères.
En inventant les feux d'artifice, les Chinois
ont, vers le Xèmesiècle, découvert la propulsion
par fusée. L'histoire de l'artillerie nous rappelle que
les roquettes apparaissent sur les champs de bataille vers la
fin du XIVèmesiècle et que Jeanne d'Arc sait remarquablement
utiliser cette arme nouvelle au siège d'Orléans.
Mais il faudra attendre la fin de la Seconde guerre mondiale
pour que, à poudre ou à liquide, la propulsion
par fusée permette à l'industrie aéronautique
de créer de nouvelles familles de matériels: les
engins et les lanceurs de satellites. Leur développement
n'a été rendu possible que grâce aux progrès
extraordinaires réalisés dans le même temps
par l'électronique, les asservissements, les équipements
de toute nature, les matériaux, progrès qui naturellement
permettent aussi d'accroître considérablement les
possibilités des avions, qu'ils soient civils ou militaires.
Les matériels aéronautiques
d'aujourd'hui sont devenus très sophistiqués, ce
qui n'a pas manqué d'entraîner un certain nombre
de conséquences. Il a fallu imaginer de nouvelles méthodes
pour organiser ces systèmes complexes, leur donner le
maximum d'efficacité pour un minimum de coût, tout
en respectant un ensemble de contraintes concernant la pollution,
le bruit, sans oublier les exigences de fiabilité, de
sécurité, de facilité d'entretien et, ce
qui est primordial, la satisfaction des besoins de la clientèle.
Les moyens d'études ont trouvé dans la conception
assistée par ordinateur (CAO) l'outil de travail qui leur
était tout aussi indispensable que les ensembles de simulation
et de très nombreux moyens d'essais. L'introduction des
méthodes de fabrication assistée elle-aussi par
ordinateur (FAO), de nouveaux processus d'élaboration
des matériaux et d'usinage grâce notamment à
l'apparition de machines à commandes numériques,
les progrès réalisés dans le domaine des
outillages et de l'assemblage, ont permis une amélioration
spectaculaire de la productivité.
Parallèlement, cela a aussi signifié
un effort de concentration sur le plan industriel et une évolution
des personnels avec un accroissement permanent du nombre des
ingénieurs, des techniciens, des équipes commerciales
et une décroissance du personnel ouvrier lui-même
de plus en plus qualifié. Ainsi, peu à peu, depuis
la seconde guerre mondiale, l'industrie aéronautique française
a su évoluer pour rester à un très haut
niveau. Elle est susceptible de fournir des matériels
pour satisfaire tous les besoins: avions militaires de toutes
natures, avions civils de transport, avions d'affaires, appareils
d'aviation générale, hélicoptères
civils et militaires, engins les plus variés, lanceurs,
satellites. Mais aussi, elle est susceptible de fournir les propulseurs
correspondants: réacteurs, turbopropulseurs, moteurs,
fusées à poudre ou à liquides et surtout
l'impressionnante diversité des organes, accessoires et
équipements qui sont indispensables aux matériels
d 'aujourd 'hui.
Rompue depuis des années aux usages du commerce
international, l'industrie aéronautique française
a déployé un effort très important pour
assurer le support après-vente de ses produits, n'hésitant
pas à installer à l'étranger les services
nécessaires ou à y créer, souvent avec l'aide
des pays hôtes, des filiales assurant la personnalisation
des matériels, leur entretien, leur réparation,
voire leur production. Dans d'autres cas, elle a cherché
à collaborer avec l'industrie de ces pays pour étudier
et produire des matériels originaux. De nombreux programmes,
parmi les plus connus, ont été mené dans
ces conditions dans le cadre de structures internationales adaptées.
Cette façon de travailler est sans doute, pour des pays
de la taille de la France, la seule façon de réduire
les dépenses relatives à un programme et d'en élargir
le marché. Elle a contribué à établir
des liens étroits entre les industriels français
et ceux de nombreux pays étrangers, notamment européens.
Ainsi, que ce soit sur le plan technique, sur le
plan industriel et social ou sur le plan commercial, l'industrie
aéronautique mérite certainement le qualificatif
qui lui est souvent donné d'industrie de pointe. Cela
signifie aussi qu'elle est susceptible d'apporter des solutions
originales dans un grand nombre de secteurs. Les retombées
technologiques touchent indifféremment l'automobile, les
chemins de fer, le nucléaire. Il peut aussi bien s'agir
des sciences de base comme l'aérodynamique, de matériaux
comme les réfractaires ou les composites, d'équipements
extraordinairement variés, d'ensembles presque complets
adaptés à des nouveaux usages, comme les turbines
à usage ferroviaire ou les compresseurs pour usines de
séparation isotopique. Dans le domaine social, elle contribue
à la création d'emplois hautement qualifiés.
Elle a su créer avec les pays les plus divers des types
de collaboration qui sont exemplaires à bien des points
de vue. Son chiffre d'affaires, notamment à l'exportation,
est significatif du rôle économique qu'elle joue
en France.
Appréciation : BIBLE |