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LA GLOIRE DES AILES L'AVIATION DE CLEMENT ADER A COSTES
Auteur : Louis BLERIOT
et Admond RAMOND
Editeur : EDITIONS DE FRANCE
Année : 1927
Sujet : Histoire
Présentation : 9 octobre 1890 : le premier ,bond
de Clément Ader sur son ,avion.
14 septembre 1906 : le premier vol de Santos-Dumont au-dessus
des pelouses de Bagatelle. ..
1927 : l'Atlantique franchi d'un vol inflexible de flèche
par l'avion de Lindberg, les onze mille mètres d'altitude
, dépassés depuis des mois par Sadi-Lecointe, l'hydravion
de Webster survolant l'Adriatique à près de cinq
cents kilomètres à l'heure, soixante passagers
enlevés par un Fokker. ..
1890-1927 ...
Trente-sept ans aujourd'hui, c'est l'âge
d'une épopée nouvelle... Trente-sept ans : c'est
ce qu'il aura fallu de temps au « stupide » dix-neuvième
siècle et aux années d'après guerre pour,
mûrir le rêve millénaire du vol humain.
Trente-sept ans, une minute dans la suite des siècles.
Et l'homme est doté d'une force, d'un instrument de civilisation,
d'une arme, certes, mais aussi d'un merveilleux outil de paix
,dont la recherche hanta la pensée des meilleurs parmi
les hommes des autres siècles... La terre seule s'en pourrait
plaindre qui a définitivement perdu tout droit à
se parer de l'orgueilleuse épithète prêtée
par les Anciens. ..Le « vaste monde ? ...Rien que la terre
», réplique Paul Morand, le plus moderne de nos
imagiers ès lettres.
Cette épopée, combien l'égalent
en beauté ? Il en fut peut-être qui exigèrent
une semblable ténacité, un même déploiement
de sacrifice, une dépense équivalente de savoir
et d'intelligence, une foi aussi ardente en dépit des
craintes pusillanimes de la sottise humaine et des obstacles
sans cesse dressés contre l'esprit par la matière.
Mais aucune conquête de l'homme n'apparaîtra plus
émouvante, tant celle-ci requit de pacifique héroïsme,
tant elle éblouit par le fulgurant essor qui constitue
toute son histoire. ..
Pendant des siècles, l'homme aura, grâce
aux prodigieuses anticipations de savants comme un Léonard
de Vinci, entrevu l'hypothèse du vol, puis, grâce
aux travaux de précurseurs comme un Pénaud, il
aura connu que les temps étaient proches où l'air
lui appartiendrait... Et soudain, parce que, de par le monde,
trop pauvres, trop isolés, trop méconnus, trop
combattus, mais animés du même dessein, un Henson,
un Ader, un Tatin, un Lilienthal, un Chanute, auront prodigué
le meilleur d'eux-mêmes, corps et âme, pour transformer
l'utopie de jadis en réalité du lendemain, soudain
voici que les Wright s'envolent, que Santos-Dumont les imite,
qu'un Gabriel Voisin les suit. Et c'est dès lors une bousculade
de faits, de progrès, de prouesses, de records incessants.
C'est l'homme-oiseau qui, ses ailes découvertes, s'efforce
à voler au-dessus de l'aire limitée d'un aérodrome,
puis au-dessus de champs dûment choisis pour leur sécurité
paisible... Et c'est enfin l'essor en tous sens, l'essor multiplié,
renouvelé, qui prend possession de toutes les routes de
l'air, de celles qui doublent les parcours suivis à travers
les siècles par les peuples le long des vallées
et celles que, jusqu'à nos iours, seuls sillonnaient l'aigle
des montagnes ou le goéland des mers... 1907-1927 : l'homme
qui, voici vingt ans, ignorait s'il pourrait jamais voler en
rond ou s'élever à plus de dix mètres, s'étonne
presque maintenant que l' Atlantique ne soit pas traversé
chaque jour...
La patiente et vertigineuse conquête
de l'air, il nous a paru équitable d'en consigner les
étapes. Aujourd'hui que le globe entier, des tropiques
aux pôles, a été frôlé par l'aile
d'un avion, nous avons estimé que le moment était
venu de « faire le point », de dresser, à
vol d'oiseau (c'est le cas d'employer semblable expression),
un tableau, une fresque rapide ou revivraient les «temps
héroïques » de l'aviation.
Histoire profane, hâtons-nous de l'écrire
dès ces pages liminaires. C'est l'aviation que le public
à connue, que nous évoquerons ici; et non pas -
encore que débordante elle aussi de minutieux et obstiné
courage - l'histoire technique de ses progrès ni 1'étude
du prodigieux ensemble de travaux scientifiques de tout ordre
qui en fut la condition primordiale. Notre ambition est moins
vaste : nous ne visons nullement à l'encyclopédie.
Un éphéméride, ou presque, nous suffit.
Mais nous entendons enfermer dans ces lignes toute la ferveur
de l'hommage de reconnaissance que, tous, nous devons aux chercheurs,
aux précurseurs, aux aviateurs qui, trop souvent, au prix
du don de leur existence, nous ont légué l'empire
de l'air et enrichis de toute la vie nouvelle, la vie merveilleuse
encore à peine découverte qu'il nous promet.
Nous avons voulu évoquer, et parfois
faire revivre un peu, les figures, tragiques, pittoresques ou
charmantes, de ceux qui demeureront les héros des premiers
jours, un Wilbur Wright, un Védrines, un Géo Chavez,
un Garros, un Pégoud, un Guynemer, un Nungesser...
Peut-être, dans ces pages, ceux dont la curiosité
ou l'enthousiasme accompagna l'épanouissement de l'aviation,
peut-être ceux-ci retrouveront-ils ici quelques chers souvenirs
éparpillés et estompés par les jours qui
passent...
Poignant spectacle que celui de l'histoire
de l'aviation. Il enseigne, mieux qu'aucun autre, que seules
sont fécondes pour l'humanité les entreprises qu'inspira
la poursuite de l'idéal et les tâches accomplies
par l'effort collectif des hommes de toutes les races.
Que notre orgueil de Français se réjouisse certes
de pouvoir honorer tant de Français -et aux premiers rangs
- dans la nombreuse théorie de ceux qui firent l' Aviation,
que d'autres peuples s'exaltent à saluer la mémoire
de ceux de leurs concitoyens qui oeuvrèrent pour la réaliser
telle qu'elle est de nos jours, cela est légitime, cela
est dû. Mais que nul n'oublie la leçon qu'impose
la réussite splendide d'un si vaste labeur solidaire...
Trop de morts, au surplus, endeuillent nos
mémoires, pour que nous risquions d'oublier la solidarité
des races humaines pour la conquête de l'air. Dans le martyrologe
de l'aviation, qui donc oserait discerner des différences
de nationalités ? Les couleurs de tous les drapeaux se
confondent, semblablement inclinés, dans le même
geste de douleur et d'hommage... Des Français, des Allemands,
des Anglais, des Américains, des Chiliens, des Italiens
tombés pour la conquête des ailes ? ...
Des hommes. Tous des héros, tous des martyrs.
Ne voyons plus d'eux que leur héroïsme,
afin de mieux mesurer notre dette.
Appréciation : **** |