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Jean Gonord
Solide et Volontaire
Au bord de
la Méditerranée, Jean Gonord, en toute discrétion,
vit avec sa femme, savourant, à quatre-vingt-trois ans,
une vie paisible bien méritée. Entré dans
l'aéronautique navale en 1922, il s'était forgé
dans cette arme un caractère de marin, sachant faire front
aux tempêtes comme aux responsabilités mais il y
avait aussi acquis une rare maîtrise du pilotage en se
spécialisant sur les hydravions, dès 1924. Sous
l'uniforme, il avait été spécialement affecté
aux convoyages et... aux essais, ce qui allait décider
de sa carrière civile à partir de 1930. Entré
chez Latécoère, il s'intègre à une
équipe restée fameuse comprenant en particulier
Mermoz, Guillaumet, le lieutenant de vaisseau Paris... et fait
les essais de tous les prototypes de l'époque, dont l'hexamoteur
Laté 631. En 1939, il passe chez Breguet dont il deviendra
le chef pilote d'essais, ce qui lui vaut, en 1945, d'être
aux commandes du bimoteur " Colmar" pour le premier
vol de ce troisième prototype français à
voler après guerre, le 27 février 1945. Mais en
1942, étant à Toulouse, il avait rencontré
René Leduc et s'était intéressé à
son curieux appareil à tuyère thermopropulsive,
en cours de construction semi clandestine. Plus tard, René
Leduc se souvient de lui lorsqu'il s'agit d'engager un pilote
d'essais et en 1946... il y a quarante ans, Gonord entre chez
Leduc. Avec une visibilité des plus aléatoires,
un système de largage en vol pour le moins inhabituel,
des atterrissages sans propulseurs et, en vol, un moteur révolutionnaire,
le Leduc 010 ne pouvait être confié qu'à
des pilotes exceptionnels. Gonord sera le premier. Bâti
en athlète, rablé, la tignasse en bataille, la
machoire volontaire, il était, en plus d'un exceptionnel
pilote, un homme calme, posé, réfléchi,
ne laissant rien au hasard. Sa rosette de la Légion d'honneur
ne fut pas usurpée.
Texte
et croquis J. NOETINGER. .
Air & Cosmos n° 1096 du 17 mai 1986 |