MES VOLS
Auteur : Jean MERMOZ
Editeur :
FLAMMARION
Année :
1937
Sujet :
Histoire
Présentation :  
Des mains pieuses ont réuni dans cet ouvrage toute une série d'écrits de Mermoz. Avant que ne soit publié, sous la plume étincelante de Kessel, qu'il avait seule souhaitée pour retracer sa vie, le récit de ses exploits, on a voulu apporter aux Français un reflet de sa pensée, une gerbe de ses souvenirs. Le classement des chapitres successifs présente l'évolution de son éblouissante carrière. Le héros apparaît tour à tour sous les différents aspects de son existence d'homme, d'aviateur, de citoyen.
   Lorsque les premières présomptions du drame ont commencé à s'établir , un dirigeant d ' Air-France est venu spontanément me trouver; il exprima l'espoir que mes amis et moi-même n'accréditerions pas la version d'un sabotage exécuté à bord de la Croix-du-Sud. Ma réponse immédiate fut : « Je défendrai contre une pareille imputation chaque membre de son équipage ou de ses bases, fût-il communiste. » Ce langage, inspiré de mon culte des vertus professionnelles, exprimait aussi la volonté depuis longtemps confiée à mes soins fidèles par l'Archange lui-même.
   Les gens de coeur tiendront à lire ces pages. Ils y trouveront les plus hautes et véridiques leçons. Fasse la destinée de la France qu'ils y trouvent aussi le point de rencontre de toutes les aspirations réconciliatrices, libres de se vouer exclusivement au bien public.

   Certaines personnes s'étonneront peut-être devant le réalisme à la fois rude et sincère qui forme la trame de ce livre. Nous n'avons pas dessein de leur présenter un Mermoz d'hagiographie, ou un Mermoz de légende. L 'histoire tissera cette légende qui dépassera en beauté nos plus enthousiastes espérances. Mais il s'agit de dégager ici, comme il l'eût désiré,« une leçon de choses ». D'autres, et de plus compétents, sauront raconter ses chefs-d 'oeuvre, sa bravoure, son rôle dans le développement de notre Aéronautique, dans le maintien de la ligne Atlantique-Sud. Je prétends seulement apporter une synthèse de l'homme qui s'est confié à moi, expliquer son ascendant, justifier ses enseignements par ce qu'il m'a dit, par ce qu'il a écrit.  Que l'on se reporte au chapitre II : « J'ai été un paria ». Plus âgé que lui, père de famille, attaché à ma foi, j'ai le droit, me semble-t-il, de m'arrêter, avec un respect ému, sur ces « Confessions ». Bonnes gens qui les lirez, si vous avez eu la chance d'une éducation à la maison paternelle, si vous avez connu pendant toute la, période anxieuse, hésitante de votre formation la chaude atmosphère d'un foyer, mesurez les bienfaits dont vous avez eu le privilège. Vous en êtes comptables, et nulle hésitation sur le sens et la règle de votre vie ne vous est permise. Mermoz, repoussé par l'invasion de 1914 jusqu'au fond de l'Auvergne, à un millier de kilomètres de sa terre natale, interne dans un collège lointain, séparé de son admirable mère par la nécessité du gagne-pain, lancé dans la lutte pour sa propre subsistance en dehors de toute recommandation, de tout appui, n'a pas abordé l'âge viril à votre manière. Il a essayé sa personnalité sans aucun guide, s'est heurté aux égoïsmes de la société dans ce qu'elle présente de malsain, d'injuste, de cruel. Imaginez en face de ce mur d'accoutumance et d'insensibilité son tempérament bouillant, épris d'absolu, ambitieux de risque. Il a reçu beaucoup moins que vous. Il voulait donner plus que n'ont jamais donné la plupart d'entre vous. Il y est parvenu. Mais au prix de quels essais, de quelles épreuves, de quelles révoltes !
   Certains passent leurs jours, selon l'ingénieuse formule de Flers et Caillavet, à regarder vivre la rue, derrière leurs persiennes closes, disant du mal d'autrui, attendant l'éternité. Voici devant vos yeux, au contraire, un drame qui a commencé parmi la foule obscure, au milieu des brutalités et des laideurs, et qui, par le miraculeux coup d'ailes d'une âme vibrante et pure entre toutes, vient de se terminer en plein ciel.

   Trente-quatre ans de vie brûlante, au contact violent de la misère humaine. Une indulgence compréhensive de toutes les faiblesses, pleinement participante à tous les malheurs. Une vaillance en lutte perpétuelle contre la médiocrité ambiante, contre sa propre rébellion. Une fureur d'agir, de servir, une constante bataille contre la routine et l'immobilité. On rapportait, après l'Armistice, le propos d'un ancien habitué du ministère de la Guerre quittant son emploi aux armées et , retrouvant son bureau, du boulevard Saint-Germain: « Enfin, on va pouvoir travailler. » Mermoz nous montre mieux que personne la déception des hommes de l'après-guerre devant le retour aux torpeurs d'antan. Il nous dépeint l'écoeurement de ses camarades, venus à l'aviation pour se dévouer, pour lutter, démoralisés par les exagérations systématiques et hargneuses de l'esprit de caserne. Comme il est révélateur du scepticisme trop longtemps développé chez nos cadets, ce propos d'un élève pilote devenu sur sa demande rond-de-cuir dans les bureaux de l'Ecole : « Je me suis fait radier, et maintenant je vis tranquille... ». Mermoz ajoute: « Ils étaient contents. On les avait détruits. »  Il m'a demandé, un matin de 1934, d'être Volontaire national ; hardiment sooial, impatient des conformismes vieillis, le Mouvement Croix de Feu l'avait attiré. Mais ce n'est pas tout. Voulant agir, il savait, comme les grands réalisateurs, préparer minutieusement ses entreprises. Qu'on lise sa définition du raid : « Le voyage n'est plus que le parachèvement de tout ce travail. Il en est quelquefois, mais non toujours, la récompense. Et pourtant, malgré tant d'incertitudes encore, on a presque, en partant, une impression non d'angoisse, mais de repos. » La notion de l' effort utile, 1'horreur de l'agitation, de la fausse publicité avaient fait de lui, chef-né, un penseur et un constructeur. Jamais ses avis ne se sont inspirés d'une autre considération que celle du bien public et du résultat effectif. Son courage et sa résistance excluaient la forfanterie comme l'exhibition. Cet intellectuel, cultivé, amoureux des idées générales, était à la fois simple, affectueux et distant. Ayant souffert, il savait. encourager et consoler; ayant dominé les circonstances, il savait commander . Il était aussi loin de la démagogie que de la condescendance.
   Sachant se faire obéir, il voulait obéir en connaissance de cause. Eprouvant la valeur de l'amitié, il avait la pudeur de ses attendrissements.

   Ainsi ai-je vu Mermoz.
   Tel je le retrouve au long de ces chapitres. Ceux qui espèrent découvrir en lui un être échappant aux règles de la condition humaine en seront pour leurs frais de romantisme. Son mérite, son originalité furent d'avoir vécu dans toute la force du terme, d'avoir étudié ses pareils, de s'être reconnu en eux, de s'être élevé au-dessus d'eux comme de lui-même. Il a rejeté obstinément de ses résolutions la théorie et le rêve. Il a bâti son oeuvre sur le concret, sa personnalité sur l' observation psychologique et la recherche spirituelle. La nature, sa nature ne lui ont pas servi de justification ni de fin, mais de tremplin. C'est de toute son énergie, de sa seule énergie, qu'il s'est alors élancé : cet élan, l'a conduit à l'immortalité.
    Mais il a tracé sur la terre de France l' aire merveilleuse et visible d ' où il a pris son vol.
                                                  LA ROCQUE.
  20 mars 1937.

Appréciation :
***
 

 



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Dernière mise à jour le 17 septembre 2000