L'HOMME QUI DONNA DES AILES AU MONDE * CLEMENT ADER
Auteur : Louis CASTEX
Editeur :
PLON
Année :
1947
Sujet :
Histoire
Présentation :
 Le premier homme qui s'est arraché du sol pilotant un appareil conçu par lui-même et qu'il avait construit de ses propres mains est un Français.
   Cet homme qui donna des ailes au monde s'appelle Clément Ader.
Quand a-t-il volé pour la première fois? Laissons-lui la parole. A vec sa simplicité habituelle et sa sincérité; il nous a raconte ses trois essais.
«Le premier des avions fut l'Eole. Commencé en 1882, il fut ,essayé sur une piste rectiligne de 200 mètres dans le parc d'Armainvilliers appartenant à la famille Péreire. A l'une de ces expériences, le 9 octobre 1890, l'Eole fit une envolée de 50 mètres à une faible hauteur; une grosse avarie ne permit pas de continuer .
  «L'année suivante, en 1891,à Satory, sur une piste rectiligne de 800 mètres, l'Eole s'envola de nouveau sur un parcours de 100 mètres; il sortit de la piste et alla s'abimer contre du  matériel ayant servi à aplanir la piste. A cette expérience comme à la précédente, nous conduisions nous-même l'Eole.
   «M. de Freycinet, alors président du Conseil et ministre de la. Guerre, désira voir 1'Eole ; il vint l'examiner accompagné du général Mensier, directeur de la 4e direction (génie), le 17 octobre 1891, dans le pavillon de la ville de Paris, où l'appareil était installé. M. de Freycinet décida de faire continuer les essais par le département de la Guerre pour la Défense nationale. Ce fut le premier pas de l'aviation militaire.
  «Comblé de joie, nous fimes un projet général: fondation d'une école d'aviation et d'avionnerie; établissement d'un arsenal pour la construction des avions; stratégie et tactique aériennes; création d'une armée aérienne aviatrice.
   « Un grand laboratoire fut bâti et outillé tout exprès; il fut placé sous la juridiction des lois militaires et devint de fait la première école d'avionnerie (entre temps nous préparions des notes pour les cours de la future école d'aviation militaire).
   «De ce laboratoire sortit l'Avion N° 3 qui fut expérimenté sur une aire circulaire, préparée par le lieutenant Binet, au camp de Satory, une commission ayant été nommée par le ministre de la Guerre, dont le général Mensier était le président. Le 12 octobre 1897, nous fimes avec l'Avion le tour de la piste, environ 1500 mètres, par petites envolées. Le 14 octobre 1897, la journée était mauvaise, le vent soufflait par rafales; le général Mensier et le général Grillon étaient présents; profitant d'une acalmie, nous voulûmes partir quand même; l'Avion venait de quitter le sol, lorsque le vent reprit très fort et nous porta hors de la piste; instinctivement nous arrêtâmes la force motrice; un malheureux atterrissage eut lieu aussitôt sur un terrain très rugueux, après une envolée, de trois cents mètres; l'appareil fut brisé.
    «L'Avion, instrument de guerre, fut abandonné par le ministre de la Guerre, puis recueilli par les Arts et Métiers, et c'est à cette administration que doit revenir toute notre reconnaissance pour l'avoir sauvé de la ruine.»
    Ces termes émouvants dans leur modestie suffiraient à .nous faire connaitre l'homme. Abandonné, trompé par les promesses qu'on lui a faites, son rêve brisé, une grande chose tuée en lui, Clément Ader trouve dans sa détresse; non pas des imprécations, mais un sentiment de gratitude pour ceux qui ont bien voulu admettre le fruit du travail de toute sa vie dans un Musée de curiosités.
    Mais vivons avec Ader cette époque d'espérances et de déceptions, revenons aux prémices de l'aviation. Nous sommes à la fin de 1897. Retenons bien cette date, car il nous faudra ensuite attendre jusqu'en 1906 pour enregistrer le premier vol après Ader. Le 13 septembre de cette année, Santos-Dumont accomplit à Bagatelle un décollage de 50 mètres et gagne ainsi la Coupe Archdeacon. Un mois après, le 23 octobre, il réussit un vol de 220 mètres.
    Santos-Dumont est Brésilien; le premier Français qui volera après lui sera Charles Voisin. Sur un appareil de sa construction; celui-ci s'élèvera à Bagatelle sur une distance de 80 mètres. Dix mois après, le 13 janvier 1908, à Issy-les- Moulineaux, sur le même appareil amélioré, Henry Farman volera un kilomètre en circuit fermé.
    Six mois plus tard, voici, arrivant en France, l'Américain  Wilbur Wright. Après avoir tenu l'air une minute quarante secondes au camp d'Auvours, près du Mans, il passera pour l 'homme ayant tout inventé, pour l'homme ayant la première fois volé.
   Heureusement; un coup de théhâtre sensationnel se produit qui efface la tapageuse réclame des Wright: le dimanche 25 juillet 1909, Louis Blériot traverse la Manche.
   Dès lors, les progrès seront rapides et la France y sera au premier plan. Oui, mais nous avons pris douze ans de retard depuis le jour qu'Ader abandonné par les pouvoirs publics avait réussi à s'arracher du sol à bord d'une machine volante. Nous avons perdu tout le fruit de l'avance que cet inventeur de génie aurait pu imprimer à notre aviation nationale.
   Clément Ader, en effet, n'étaitpas un inventeur de fortune qui avait entrepris au hasard la grande aventure du vol. Nous nous trouvons en présence d'un homme de science et de labeur qui a conçu et réalisé de nombreuses inventions, pris des centaines de brevets, mais qui ramène tout à une pensée dominante, presque une idée fixe, fabriquer une machine volante.
   Les travaux qu'il mènera à bonne fin; les inventions qu'il lancera et qui eussent suffi à lui assurer la notoriété et la fortune, il les considère comme des entreprises serves, elles ne sont pour lui qu'un chemin détourné vers un but essentiel, un moyen financier peut-être pour l'atteindre, doter son pays de machines aériennes qui lui assureraient la suprématie dans l'armement; cette fin i1la définissait dans un aphorisme auquel il reviendra toute sa vie: « Sera maître du monde qui sera maître de l'air.»  Il prévoyait l'efficacité de l'armée de l'air; il la pressentait si redoutable, il lui accordait un tel pouvoir, qu'il attendait d'elle, par son emploi généralisé, la paix du monde.                     
Appréciation : ***
 

 



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Dernière mise à jour le 08 novembre 2000